Morphogenèse est une installation interactive audiovisuelle qui met en relation un intéracteur avec différents modèles d’apprentissage machine. Au fil de l’expérience, le public se trouve peu à peu confronté à l’image que se fait de lui la machine. Par un effet à la fois de familiarité et d’étrangeté, l’installation tente de rendre sensible le clivage qui existe entre l’image que l’on a de soi et celle que nous renvoient les modèles d’apprentissage qui façonnent nos différentes réalités numériques.

Aspect visuel
Le titre de l’installation est emprunté au travail de l’artiste et chercheur Sofian Audry. Ce dernier propose un cadre esthétique qui permet de qualifier les comportements et la morphologie d’agents adaptatifs présents au sein de certaines oeuvres numériques. La morphogenesis y est définie comme le mécanisme par lequel des comportements émergent de manière continue. L’aspect visuel de l’oeuvre est une narration autour de cette catégorie de comportements. Au temps zéro de l’interaction, l’image envoyée au spectateur est celle d’un visage généré aléatoirement par le modèle. Plus le temps passe et plus le modèle semble évoluer et apprendre à reproduire les traits de l’intéracteur. Éventuellement, ce visage adopte des traits toujours mouvants, mais qui gravitent autour d’une version encodée du spectateur.
Lorsqu’aucune interaction n’a lieu et que l’oeuvre est au repos, le visage projeté ferme les yeux, en attente d’une nouvelle interaction. Ses traits transitent entre ceux des derniers visiteurs, dévoilant les différentes apparences que le modèle a appris à reproduire.
Aspect sonore
L’installation tente de mettre en place une boucle de rétroaction créative entre le spectateur et un modèle de génération mélodique. En reproduisant, altérant ou ignorant les propositions musicales de l’un et l’autre, l’humain et la machine deviennent les co-créateurs d’un parcours mélodique inusité.
Les sons produits par l’intéracteur sont captés par un microphone et envoyés vers le modèle de génération mélodique. L’installation renvoie d’abord une simple imitation des sons captés, mais, rapidement, allonge ces derniers par une invention musicale sur le même thème. Cette proposition installe un échange où l’intéracteur et le modèle peuvent improviser ensemble autour de thèmes musicaux. Éventuellement, deux autres voix apparaissent, s’occupant de créer des harmonies vers l’aigu et vers le grave.
Un modèle de synthèse vocale se charge de générer les timbres produits par l’installation. Ce modèle est contrôlé par des hauteurs de notes, des intensités sonores et les formants de la voix. Les sons captés par le microphone sont donc analysés et les données résultant de cette analyse sont réorganisées avant d’être envoyées au modèle. Les formants de la voix de l’intéracteur sont par exemple appliqués à de nouvelles mélodies, ou encore, comme c’est le cas lorsqu’aucune interaction n’a lieu, des chuchotements sans tonalité sont générés à partir d’extraits de voix chantée.
Identités virtuelles
Morphogenèse propose un parcours et un échange avec la machine où chaque interaction revêt une trajectoire et une forme sonore et visuelle unique. En rendant sensible des représentations de soi que nous renvoie des modèles d’apprentissage machine, l’installation fait écho et questionne notre rapport avec nos identités virtuelles qui habitent les mondes numériques.